IBNOU ROCHD dit AVERROES, avec nous

Le propre de nos sociétés dites arabes ou musulmanes ou arabo musulmanes etc. est d'être prises dans des contradictions permanentes de leurs identités: attirance pour la modernité et l'échange Orient occident et attachement névrotique à des visions de l'islam et de l'islamité qui les enferment, besoin de dépasser leurs tares et fixations paralysantes et de se plonger dans la modernité que beaucoup vont chercher ailleurs , en Europe et en Amérique ou ailleurs.

Cela alors que beaucoup d'occidentaux désirent trouver du sens complémentaire au développement dans le contact avec l'"orient" comme le montre l'attirance pour le Maroc et pour l'Egypte sauf quand l'islamisme intolérant vient tout pourrir.

Les musulmanes elles mêmes préfèrent parfois porter la burka et le niqab , prier et afficher leur conception de l'islam à London, Camberra et Paris.

Ibn Rochd avait interrogé l'histoire des idées et opposé aux rigoristes la force de la raison culturelle et civilisationnelle devant essuyer pour cela la vindicte et les prêches enflammés des musulmans rétrogrades qui avaient pratiqué ce que l’islamisme politique dans ses différentes versions, pratique en Iran, a fait en Algérie, et continue d’envisager sous des formes nouvelles dans les différentes situations qu’il arrive à constituer, en interaction étroite avec la domination occidentale du monde.

Les mouvements révolutionnaires secouent les régimes corrompus et dictatoriaux. Ils posent aujourd'hui le problème d'une vision nouvelle, moderne, ouverte et tolérante qui permettrait la construction du progrès social et moral.

La révolution égyptienne comme toutes les révolutions semble engluée entre les Frères musulmans que l'on connaît mal mais dont on sait ce qu'ils ont pu diffuser comme conceptions rétrogrades et archaîsantes au sein de l'enseignement , dans la conception de la justice.

Obnubilée par le voilement de la femme et la police de l'espace public et combattant férocement les laîcs alors même qu'ils sont musulmans dans leur écrasante majorité, la pensée rétrograde est bientôt morte parce qu’elle a besoin des autoritarismes et des Etats conservateurs et patrimonialistes pour exister puisqu’ils l’entretiennent au sein des systèmes éducatifs, des partis états et de la fonction publique.

Débarrassées des régimes corrompus ou du moins des dictateurs qui patrimonialisaient les pays dans leur entier, les sociétés égyptienne et tunisienne se trouvent dans des situations qui rappellent celles du mouvement national palestinien, qui renvoient à l’histoire moderne des nations modernes.

Elles ouvrent la voie aux autres nations qui peuvent faire l’économie de l’affrontement puisque tout montre que les choses ne dureront pas. Et comme de toute façon la grande sinon l’écrasante majorité des gens qui composent les systèmes n’aspirent au fond qu’à la modernité et qu’à la possibilité de développer leur propre culture, il n’est plus nécessaire de faire fonctionner les Etats rentiers , patrimonialistes, bureaucratiques, despotes et paternalistes que tout le monde critique y compris les agents eux mêmes.

Appelons donc tout un chacun gouvernants compris, à suivre Ibn Rochd et les leçons de l’histoire puisque pardoxalement c’est l’Europe qui a profité de la pensée et de la civilisation « arabes » et à participer à faire tout ce qui est nécessaire et possible :

devoir régler la question de la liberté telle que configurée par la domination d’un Etat très puissant idéologiquement et politiquement en unifiant leurs forces sur la base de la tolérance et de la séparation entre croyances et cultures,

devoir se définir dans la modernité sociale et culturelle différemment de ce que le sionisme a constitué comme puissance de l’état israélien en ne reprenant donc pas les principes sionistes d’instrumentalisation du religieux et de l’histoire (la shoah surtout mais seulement) pour constituer une nation mythique,

penser et concevoir la modernité en se projetant vers le futur et non pas en regardant dans le rétroviseur une histoire et un passé simplifié et déformé par la longue acculturation historique, par les effets de l’illettrisme et des différentes formes de domination subies par les populations d’une région dominée économiquement, technologiquement, culturellement et politiquement

Penser une définition moderne de l'Etat, inspirée de l'histoire propre des cultures locales et globales et des principes de gestion fondés sur la gouvernance démocratique, la liberté d’entreprendre régulée par la redistribution et l’organisation des compétences et des capacités individuelles et collectives étatique

penser la culture par les cultures dans la respiration de l'universel par le local, par le faire et la construction des devenirs des générations et des individus, ce qui impose un dialogue permanent avec les nations, avec l’autre et avec soi même.

La réflexion politique et anthropologique toujours urgente et nécessaire est aujourd’hui entrouverte grâce aux mouvements politiques qui ont mis à nu la nature politique des régimes destitués et qui imposent dans chaque pays du Moyen Orient et du Maghreb, un changement radical ou graduel du mode de gouvernement et de la définition collective de l’avenir des populations et des peuples qu’elles font. Car les régimes sont apparus pour ce qu’ils sont , à savoir des régimes de domination de groupes qui se sont accaparés les pouvoirs militaire, politique et social et qui se servent de l’Etat pour s’enrichir en ayant passé des accords de fait ou tacites avec les forces politiques et économiques dominantes de l’économie internationale.

La question de la légitimité et de la compétence des gouvernants est aujourd’hui clairement rapportée à l’exercice des libertés individuelles et collectives qui partout sont indissociables de la tolérance religieuse, culturelle et sociale.

Nul ne peut aujourd’hui s’autoriser à imposer sa foi, sa conception de la religion, de la vie et des relations sociales à quiconque qui détient la majorité.

Aucun Etat ni régime politique ne peut continuer à imposer les croyances et les idées d’un groupe par la tyrannie, la répression et la corruption associée à la manipulation de la religion et du sentiment national sans que la société concernée ne soit orientée par des pratiques et comportements contraires à la civilisation, à la morale et aux valeurs humaines et ne connaisse une crise de ses valeurs et de sa cohésion.

La situation nouvelle dans laquelle se trouvent les sociétés du Moyen orient et du Maghreb est nouvelle. Elle impose à l’ensemble des gouvernants de choisir définitivement plutôt que la répression, la manipulation et la corruption en vue de préserver leur appropriation des Etats, la voie de la raison et de la sagesse qui leur permettra d’obtenir le pardon pour leurs abus et de faciliter la construction de sociétés nouvelles démocratiques et de libertés.

Cette situation demande également et surtout, la réflexion dynamique et l’effort patient constant et puissant, al ijtihad, donc, pour activer les cultures et les valeurs des sociétés de culture musulmane en pleine harmonie avec les autres cultures présentes ou chassées , chrétiens d’orient, juifs désireux de revenir sur leurs terres ancestrales, nationaux présents ou expatriés « laïcs » qu’ils soient croyants ou non, étrangers aimant les pays et/ou désirant commercer .

Les cultures de nos peuples et pays pourront alors s’épanouir à la mesure d’une histoire lus longue que celle à laquelle veulent les réduire les islamo nationalistes, ayant pris possession des identités et des ressources mais n’ayant pas trouvé pour autant leur bonheur puisqu’ils sont eux mêmes en permanence attirés par les vitrines et paillettes de l’occident que les villes artificielles du Golfe proposent sans fasciner pour autant.

Nadir BOUMAZA

Moyen orient et Maghreb: repenser le monde, construire le futur